Apparu au yeux du grand public en octobre 2021, lors du changement de nom de Facebook, le terme « métavers » risque déjà de devenir un mot sans substance. Il est devenu en quelques mois le buzzword utilisé par beaucoup de média pour décrire tantôt la réalité virtuelle & augmentée, tantôt des applications pour smartphone, des mondes 3D générés par ordinateur ou même certains jeux vidéo. Pourtant, rappelons-le une bonne fois pour toute : le métavers n’existe pas. Explications.

Pour commencer, un petit rappel qui ne fait pas de mal :
- Le métavers n’est pas un “monde virtuel”. Les mondes virtuels et les jeux avec des personnages pilotés par l’IA existent depuis des décennies, tout comme ceux peuplés de “vrais” humains en temps réel. Ce n’est pas un “meta-univers” (méta signifiant “au-delà” en grec), juste un univers synthétique et fictif conçu dans un seul but (le jeu).
- Le métavers n’est pas la “réalité virtuelle”. La VR est un moyen de découvrir un monde ou un espace virtuel. Le sentiment de présence dans un monde numérique ne fait pas un métavers.
- Le métavers n’est pas une “économie numérique et virtuelle”. Celle-ci aussi existent déjà. Les jeux individuels tels que World of Warcraft ont depuis longtemps des économies fonctionnelles où de vraies personnes échangent des biens virtuels contre de l’argent réel ou effectuent des tâches virtuelles en échange d’argent réel. De plus, des plates-formes telles que Mechanical Turk d’Amazon, ainsi que des technologies telles que le Bitcoin, reposent déjà sur l’embauche d’individus/d’entreprises/de puissance de calcul pour effectuer des tâches virtuelles et numériques. Nous effectuons déjà des transactions à grande échelle pour des articles purement numériques via des places de marché purement numériques.
- Le métavers n’est pas un « jeu vidéo ». Bien que le métavers puisse inclure des jeux et impliquer la gamification, ce n’est pas un jeu en lui-même, orienté vers des objectifs spécifiques.
“Le métaverse nécessitera d’innombrables nouvelles technologies, protocoles, entreprises, innovations et découvertes pour fonctionner. Et il n’apparaîtra pas d’un jour à l’autre; il n’y aura pas de “Before Metaverse” et d’ “After Metaverse”. Au lieu de cela, il émergera lentement au fil du temps à mesure que différents produits, services et capacités s’intégreront et fusionneront.”
Matthew Ball
Mais alors, par où commence le métavers ? Cela peut commencer par les jeux vidéo, la réalité virtuelle, les espaces de réunion numériques, les actifs numériques (NFT), et peut-être même les interactions cerveau-machine. Mais le métavers ne se réduit pas à ça. Sa portée et son impact s’étendront avec l’intelligence artificielle et les croisements des données du monde physique (via l’Internet des objets) et virtuel.
Le véritable potentiel du métavers réside dans son devenir : une plate-forme numérique universelle pour les interactions personnelles, professionnelles et commerciales qui deviendrait alors la source de données sur les consommateurs la plus convoitée des entreprises.
De même qu’il était difficile d’imaginer en 1980 ce que serait l’Internet de 2020, et plus difficile encore de le présenter à ceux qui ne s’y étaient jamais « connectés », il semble très compliqué de définir le métavers aujourd’hui. Cependant, Matthew Ball a identifié 6 attributs de base du métavers.
Les caractéristiques du Métavers
- Persistant : Le métavers existera indépendamment du temps et du lieu. C‘est-à-dire qu’il ne se “réinitialise” jamais, ne se met pas en “pause” ou ne “se termine”, il continue simplement, indéfiniment.
- Synchrone : Les utilisateurs du métavers pourront interagir les uns avec les autres et avec le monde numérique en temps réel, agissant et réagissant comme ils le feraient dans le monde physique. Des événements virtuels pourront être organisés, tout comme dans la “vraie vie” : le métavers est une expérience vivante qui existe de manière cohérente pour tout le monde et en temps réel.
- Disponible : Tout le monde pourra se connecter simultanément et il n’y aura pas de limite de nombre d’utilisateur. Le métavers offre à chaque utilisateur un sentiment individuel de “présence” : tout le monde peut participer à un événement/lieu/activité spécifique ensemble, en même temps.
- Économiquement fonctionnel : Les particuliers et les entreprises pourront créer, posséder, investir, vendre et être récompensés pour un éventail incroyablement large de “travail” qui produit une “valeur” reconnue par les autres. Les participants (y compris les entreprises) pourront fournir des biens et des services en échange d’une valeur reconnue par d’autres. L’économie du métavers pourrait donc inclure des jetons non fongibles (NFT), de la crypto-monnaie ainsi que de la monnaie fiduciaire traditionnelle.
- Libre : Être peuplé de « contenus » et d’« expériences » créés et exploitable par tous les contributeurs, dont certains sont des individus indépendants, tandis que d’autres peuvent être des groupes organisés de manière informelle ou des entreprises à vocation commerciale.
- Interopérable : Le métavers permettra à un utilisateur d’utiliser ses objets virtuels à travers différentes expériences sur le métavers. Par exemple, une capacité multiplateforme permettant à un vêtement acheté sur le métavers d’être « porté » et utilisé dans des jeux, pour aller rendre visite virtuellement à ses amis/famille, aller en concert ou toute autre expérience virtuelle proposée.
Il y a d’autres idées qui peuvent être au cœur du métavers, mais qui ne sont pas largement acceptées. L’une de ces préoccupations est de savoir si les utilisateurs disposeront d’une seule identité numérique (ou « avatar ») qu’ils utiliseront dans toutes les expériences. Cela aurait une valeur pratique mais semble peu probable car les leaders de «l’ère du métavers» voudront toujours avoir leurs propres systèmes d’identité. Il existe également un désaccord sur le degré d’interopérabilité nécessaire pour que le métavers soit vraiment “le métavers”, plutôt qu’une simple évolution de l’Internet d’aujourd’hui. Beaucoup se demandent à juste titre si le métavers peut véritablement avoir qu’un seul opérateur. Certains pensent, et j’en fais partie, que le succès du métavers nécessite qu’il soit une plate-forme fortement décentralisée basée principalement sur des normes et des protocoles communautaires (comme ceux fixés à l’époque par le W3C pour internet), ainsi qu’un système d’exploitation ou une plate-forme métavers “open source”.
Mais en technologie, l’avantage du premier arrivé est souvent décisif. C’est pourquoi les géants du numériques et d’autres plateformes en ligne commencent à acquérir des entreprises de logiciels pour se positionner en vue de l’arrivée du Metavers. Ils espèrent être à l’avant-garde des changements profonds que le Métavers apportera en matière d’interactions numériques entre les personnes, entre les entreprises et entre les deux.
Si l’interopérabilité incombe à une seule entreprise, alors le métavers ne sera probablement jamais une plate-forme libre et ouverte. C’est pourquoi le W3C, qui régit les standards du web, a formé OMIGroup (Open Metaverse Interoperability Group), visant à garder le métavers ouvert et interopérable pour tous. OMI Group espère « combler le fossé » en matière d’interopérabilité.
Qu’est-ce que le métavers aujourd’hui si ce n’est une vision de ce que sera l’avenir où la vie personnelle et professionnelle se déroulera numériquement en parallèle de nos vies dans le monde physique ? Ça ressemble trop à de la science-fiction ? Peut être, mais il faut dire que pour quelque chose qui n’existe pas encore, le metavers attire énormément d’attention et d’investissements dans absolument tous les secteurs.
Source : The Metaverse: matthewball.vc / Matthew Ball